Le manoir
Les premiers bâtiments construits à Keroual ont sans doute remplacé en kastell mein (château de pierre). L’actuel village de Castelmein, non loin du château, ne correspond pas à l’emplacement du kastell primitif qui devait être situé au bord du ruisseau de Keroual, au niveau des étangs aménagés au XIXème siècle.
La tour circulaire bâtie dans le mur d’enceinte indique le caractère défensif ayant précédé à la construction du premier château. La façade est aussi flanquée d’une tour avec meurtrières, à son côté Est. Ces édifices ainsi que l’escalier et la porte près de la tour Est sont les éléments les plus anciens du château, ils remonteraient au XIVème siècle.
Le 8 germinal an III (28 mars 1795), des experts nommés par le district de Brest dont Hamon Pailler de Guilers, établissent un procès d’estimation des biens du manoir de Keroual, alors Bien National. Le rez-de-chaussée se compose d’une grande salle divisée en deux par une cloison, en grande partie planchée et le reste pavé de pierres plates, d’une petite pièce communiquant avec la salle, d’une cuisine comprenant deux potagers et sept fourneaux et d’une boulangerie comprenant quatre fourneaux. Le premier étage est occupé par quatre chambres et des latrines. Le grenier est séparé en trois parties. Au logis principal s’ajoute un appentis avec cave et chambre au-dessus de la cave, « une aile ou hors d’œuvre au nord de la dite maison principale … consistant en un appartement sur terre …, un autre appartement au-dessus du précédent …, un grenier au dessus, une écurie pavée en moellons où il a quatre mangeoires en pierre et un râtelier, une grange au sud de l’écurie, une chapelle au dessus de la grange, un autre appentis, un hangar et deux pavillons. « les deux édifices ci-dessus mentionnés sont en général solidement bâtis, mais les éléments intérieurs ainsi que les portes et les croisées sont en très mauvais états » (Archives Départementales du Finistère, série 1Q129)
Ce manoir est situé sur une petite éminence qui domine le fond de la Penfeld. Cette position a semblé suffisamment défensive pour justifier la construction à l’époque du Duché de Bretagne au XIVème siècle , d’un château fortifié dont il reste encore une tour et un logis, des escaliers de pierres. La famille des Penancoët de Keroual en est propriétaire jusqu’en 1714.
En 1590, vers la fin des guerres de la Ligue, Brest est loyale vis-à-vis du roi Henri IV, et le commerce se déplace de Morlaix à Brest. C’est dans ce contexte que Guillaume de Penancoët, épouse Guillemette Barbier, fille de Louis Barbier, seigneur de Kerjean en Saint Vougay. Gros exportateur de toiles de créées vers l’Angleterre, ce dernier par ce mariage s’assurait sans doute des débouchés maritimes protégés par les troupes du marquis de Sourdéac. Guillemette est très richement dotée, une belle garde robe et 1000 £ de rentes annuelles plus des assises sur le manoir des Isle en Kernoues et autres terres dans le Léon. C’est à cette époque que fut construit en intégrant les constructions déjà existantes le château de Keroual en s’inspirant du modèle de celui de Kerjean (construit en 1570). Le pigeonnier encore en place est plus ancien.
En effet on retrouve à Keroual, les éléments du château de Kerjean, Première Renaissance Française et aussi Renaissance Bretonne telle qu’elle s’est diffusée dans le Léon notamment dans les enclos paroissiaux comme le porche sud de Guilers en pierres de Logonna daté de 1601 et effectué au moment de la construction de Keroual.
Le puits en est un exemple, il s’inspire du dessin publié par l’architecte Jacques Androuet du Cerceau dans son second livre d’architecture en 1561
La conception même du château reprend les éléments de Kerjean en plus modeste, notamment les deux bastions d’angle dont l’un est occupé par la chapelle. Sur la gravure de 1867 on voit que ces bastions sont encore reliés par un haut mur protégeant la cour comme à Kerjean.
La façade sud propose un ensemble régulier de grandes fenêtres surmontées d’élégantes lucarnes, à fronton triangulaire et pots à feux, comme à Kerjean, même si la décoration est plus modeste. La façade nord montre les travaux de « coffrage » faits pour intégrer les bâtiments plus anciens dont il reste encore des éléments, fenêtres à meneaux etc.
Au milieu du XVII e Siècle, les revenus des Penancoët sont encore suffisants pour faire des décors à la mode avec de peintres de la cour, descendus à Brest avec le Duc de Beaufort, Grand amiral de France qui y passe 2 ans, Richelieu ayant décidé de faire de Brest un des principaux ports de la flotte royale. C’est à ce moment qu’un des fils Dubois décore ce plafond (1643), le signe et le date. Il est aussi payé pour « rafraîchir » des éléments du culte de St Valentin dans l’église de Guilers.
La famille Didelot est la dernière propriétaire du Manoir. Le principal aménagement est la démolition du haut mur et la mise en place de grilles. Ils ne font pas de travaux, ne font pas classer le château ce qui explique que la Kommandantur le réquisitionne pour loger les troupes et non les officiers, il n’y a pas l’eau courante, ni le chauffage, aucun confort.
Les troupes font sécher leur linge dans le grenier, abimant les peintures du plafond… Lors du siège de Brest, les troupes allemandes se réfugient au château de Keroual qui finalement est incendié volontairement.
Après avoir perçu les dommages de guerres, les héritiers Didelot ne restaurent pas le château.
Albert Cortellari architecte de la reconstruction de Brest, d’origine modeste se prend de passion pour la bâtisse. Il acquiert les ruines et commence la restauration du manoir en 1967 à ses frais