Les eaux de Keroual
Les nombreuses sources existant à Keroual ont sans doute, favorisé l’établissement d’une colonie gallo-romaine sur le site de Castelmein. En effet de nombreux vestiges y ont été découverts.
L’actuel village de Castelmein, non loin du château, ne correspond pas à l’emplacement du kastell primitif qui devait être situé au bord du ruisseau de Keroual, au niveau des étangs aménagés au XIXème siècle, comme l’indique le point orange. C’est à cet endroit que fut découvert de nombreuses pièces de monnaies . L’une d’elle représente l’effigie de Néron, et aussi de nombreux débris de poterie romaine, des tuiles à rebord et deux petites meules à bras.
En 1781, trois sources sont analysées par le docteur Breton, correspondant de la Société Royale de Médecine, médecin des Armées du Roi, employé dans les hôpitaux de la division de Brest. Ce sont les sources de la lenn izellañ, en contre bas de la crêperie. Ce docteur dit des eaux » qu’elles fournissent un esprit sulfureux, volatile, incoercible, faiblement uni à une terre ferrugineuse et un sel marin « . il nous fait part de ses expériences : « dix grains de noix de galle en poudre jetés sur six onces d’eau de Keroualle, ont donné au mélange, après quelques minutes, une teinte noire foncée, ce qui prouve l’existence de fer dans cette eau … un demi-gros de lessive alcaline phlogistiquée versé sur six onces d’eau de Keroualle, le mélange s’est troublé, et il s’est formé un dépôt bleu de Prusse; la substance ferrugineuse contenue dans ces eaux y est donc dissoute par un acide. … le sel contenu dans les eaux de Keroualle est un sel marin en grande partie à base terreuse … ». » Ces eaux écrit-il sont utiles dans les affections hypocondriaque, dans toutes les maladies qui dépendent de la débilité des viscères, elles procurent le calme et le retour au sommeil ». En lavement on les emploie » pour tous les désordres du bas ventre ». Elles sont d’une grande utilité dans les maladies des reins et de la vessie. « Leur mélange avec le lait d’ânesse ou de chèvre réussira bien dans les tubercules du poumon et les rhumatismes…. ». Leur usage externe est également efficace : « On en lavera avec succès les gales, gratelles, dartres, herpès, rougeur du visage… ». Enfin, « elles sont employées utilement pour le bain entier pour fortifier les membres. La boue de la fontaine de Keroualle est une terre martiale, elle est par conséquent propre à redonner de la force aux parties solides dont le relâchement est la cause de tant de maladies… ». Une édition de 1886 (qui est la copie du manuscrit du Docteur Breton) se trouve à la Bibliothèque Municipale de Brest dans le fond breton.
A la révolution, Keroual alors bien national, est encore connue pour ses eaux comme en témoigne cette demande du citoyen Rochon, commissaire au salpêtre, en date du 30 floréal an II (19 mai 1794) adressée au directoire du district de Brest : « ….sa femme malade, et les médecins lui ayant recommandé les eaux ferrugineuses de Keroualle, il vous prie de lui permettre de s’établir avec sa famille dans la maison Keroualle… » Sont-ce vraiment les eaux qui attirent les révolutionnaires brestois vers Keroual ou l’attrait d’une maison noble ? toujours est-il que ce même mois de mai, le citoyen Geoffroy écrit au district que » le changement d’air et l’usage des eaux de Keroual devenant absolument necessaire au rétablissement de ma santé, dont le délabrement est notoirement connu, je vous prie de m’accorder un logement dans cette maison pendant quelque temps… » lettre du 4 prairial an II (23 mai 1794). Une réponse favorable sera adressée au citoyen Geffroy.
En moins d’un siècle, l’usage des eaux se perd. A l’occasion d’une réédition des analyses du docteur Breton en 1886, le docteur Chenu déclare : on préfère des sources éloignées et l’on refuse de croire en la vertu des eaux de Keroualle parce qu’on peut en faire usage sans se déplacer. »
Ainsi, les eaux de Keroual ne garderont leur secret bénéfique que pour les résidents proches et ce jusqu’à la perte de qualité des eaux, dans les années 1980. Quelques personnes de Guilers ont été alertées par les services de la C.U.B. leur demandant de ne plus utiliser l’eau de Feunteun dour ar vuhez (la fontaine de l’eau de vie). deux des trois sources citées analysées en septembre 1988 donnent une eau de mauvaise qualité avec pollution fécale. L’autre possède une eau de meilleure qualité mais une teneur élevée en nitrates (56 mg/l).
La fontaine de Kerlidien
Elle est située non loin des soubassements du manoir de Kervaly. En 1957 le docteur Dujardin fait la description suivante : « …mais que penser de cette curiosité qui comprend un puits de huit mètre de profondeur dont l’eau se rend à une guérite. Celle ci est munie d’une porte. Le niveau de l’eau est réglé de la manière donnée par le dessin. La guérite est accotée à une fontaine qui devait avoir un certain cachet artistique. Aujourd’hui le Christ qui la surmonte est mutilé et les deux statues latérales, brisées gisent dans la broussaille. »
Le style de construction fait penser aux écuries de Kervaly, toutes proches. Les propriétaires du manoir de Kervaly avaient aménagé un jardin d’agrément à la fin du 19ème, le pont de quartzite blanc se trouve en aval à quelques mètres.
Aujourd’hui il ne reste de cette fontaine qu’un demi cercle de pierres moussues, le puit est sécurisé et couvert d’une dalle de béton.
Les sources de la marine
Dès 1888 , l’ingénieur des Ponts et Chaussée attaché aux services des travaux hydrauliques de Brest indique dans un mémoire descriptif que « dans ces dernières années, la consommation d’eaux de l’Arsenal et des Edifices de la Marine a subi un accroissement énorme, cet accroissement provient de deux causes : […] la multiplication des machines motrices et des machines-outils […] l’augmentation des habitudes de bien être et de propreté […] Des études ont été entreprises […] elles ont conclu à l’existence d’un déficit d’environ 700 m3 d’eau par jour, et l’on a du rechercher dans les environs de Brest, les sources susceptibles de donner au moins cette quantité d’eau. Parmi ces dernières, celles qui se prêteraient le plus facilement aux besoins de la marine, sont celles qui jaillissent près de Guilers au lieu dit Feunteun Viler. Le projet […] a pour but d’amener les eaux recueillies à cet endroit dans deux réservoirs à construire à Brest, […] l’un dans les terrains du Carpon […] l’autre […] dans la cour arrière du Quartier de la Marine…. » (Archive du Service Historique de la Marine)
Trois propriétaires sont en 1890 contraints de passer convention avec la Marine Nationale, l’amiral Didelot, Mr Le Bouvier et Mme Duplessis-Quinquis.
Le « projet de réorganisation du régime des eaux de l’arsenal de Brest » consiste en une captation par puits maçonnés. Les puits sont répartis en deux enclos : un premier enclos au nord du chemin conduisant de Keroual à la Croix Rouge comprenant cinq puits et occupant une superficie de 5190 m2, un second enclos au sud du même chemin renfermant deux puits sur une surface de 10902 m2. L’aqueduc demande une servitude de passage de part et d’autre de la tuyauterie en fonte.
En 1950, une note propose de refaire le mur de clôture de l’enclos sud, entièrement démoli durant la Seconde Guerre, afin d’éviter « la divagation des animaux qui seraient susceptibles de polluer les eaux des sources de Keroual ».
En 1959, un local de jaugeage et de stérilisation est construit dans l’enclos sud. C’est le petit bâtiment que l’on voit en entrant dans le bois par l’allée de la Croix Rouge.
Si en 1970 et 1971, des recommandations sont faites aux agriculteurs environnant pour éviter la pollution des sources, en 1998 la Marine Nationale demande une vérification de l’évacuation des eaux usées de 250 habitations urbaines.